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Syndicalisme rapDan Charnas traduit par Hervé LoncanLa vie, la mort, la variétéOlivier ChevalUne écologie du grimeDan Hancox traduit par Sophian BourireLa vie avant le zoukMylène MauricraceNuances de vintageDan Dipiero traduit par Sophie GarnierSyndicalisme rapDan Charnas traduit par Hervé Loncan Le texte qui suit est extrait d’un livre palpitant de Dan Charnas, longtemps journaliste pour le magazine de référence The Source et l’un des premiers animateurs d’une émission de radio consacrée au rap à Los Angeles. The Big Payback entrelace les destins d’exception, à la manière d’autres best-sellers musicaux américains comme The Wrecking Crew de Kent Hartman (sur les rats de studios de Los Angeles devenus célèbres à leur tour). Mais il fait aussi la place à des personnages sinon plus discrets, en tout cas moins connus. C’est le cas de Wendy Day, qui a joué un rôle décisif dans les carrières de certaines des plus grandes stars du rap : Master P et le label No Limit, Eminem et l’équipe de Cash Money. Sa carrière est riche en rebondissements et justifie à elle seule la traduction d’un extrait du livre, mais ce récit réserve d’autres surprises : à l’heure où les conversations abondent sur la signification de l’indépendance et du rapport aux majors dans le rap, le rôle, la méthode et les ambitions de Wendy Day pour la défense des intérêts des rappeurs à travers la Rap Coalition constituent un précédent (et un modèle ?) fascinant.La vie, la mort, la variétéOlivier ChevalNous avons découvert Olivier Cheval dans les pages de Lundi Matin, où il a écrit sur le chemsex et le pass sanitaire, et de l’excellente revue de cinéma Débordements, où ses réflexions sur la cinéphilie sont tressées d’anecdotes personnelles et de scènes d’amitié. Nous nous sommes dit que ce jeune homme avait du talent et que décidemment les personnes qui s’intéressent au cinéma étaient souvent plus à l’aise pour écrire en partant de leurs vies. À notre invitation ouverte, il a répondu avec un texte qui met le doigt sur des épiphanies sentimentales et confuses, qui apparaissent d’abord comme ses histoires à lui, mais qui ont aussi été les nôtres à l’écoute des mêmes chansons de variet’ — un répertoire qu’il nous fallait bien aborder tôt ou tard dans ces pages, au-delà du seul cas de Céline Dion (voir Audimat 3). Il y a dans ce texte toute la magie de l’exercice de l’essai, qui rend soudain évidente et partageable une expérience qui paraissait jusqu’alors irrémédiablement nébuleuse et subjective.Une écologie du grimeDan Hancox traduit par Sophian BourireOn peut parler du rap en faisant défiler le set de vignettes Panini à l’effigie des stars ou en faisant un commentaire sportif sur le tournoi entre capitales. Mais on peut aussi imaginer quelque chose comme son écologie. C’est particulièrement bienvenu pour un style comme le grime anglais. Celles et ceux qui ont connu la déflagration de sa première vague au milieu des années 2000 le savent : il y a une énergie dans cette musique qui ne peut être que le résultat d’une invention et d’une discipline collectives, impossible à réduire à des personnalités, même quand elles sont aussi singulières que celles de Wiley ou Dizzee Rascal. Cette énergie que Rob Gallagher a bien décrit dans un précédent numéro (Audimat 11) sous l’angle de l’agressivité ludique, Dan Hancox la ramène ici à ses fondations, à un milieu dense et favorable, dans lequel les tours de logement insalubres sont plus qu’un décor, mais ne sont qu’un point de la carte aux côtés des cours de récré et des plateformes vidéo, des centres culturels de quartier et des radios pirates. Il décrit ainsi les conditions qui auront permis l’existence de cet « âge de glace » du rap anglais, un moment qui aura laissé comme une brûlure dans son histoire et dont la marque n’est pas prête de s’effacer.La vie avant le zoukMylène MauricraceMylène Mauricrace est une jeune chercheuse à l’EHESS, où elle étudie l’histoire des femmes de la diaspora antillaise, et une créatrice/animatrice d’émissions de radio ( Histoires De et Musiques Hybrides sur Radio Campus Paris). Elle fait ici le lien entre ses deux passions. À l’heure où les diggers ont commencé la surenchère pour l’acquisition des disques antillais les plus rares et tandis que nous sommes bercés par les récits des circulations entre la Jamaïque, Londres et le Nord de l’Angleterre qui ont fait les grandes heures du dub ou du reggae, nous sommes bien en difficulté quand il s’agit de toucher du doigt l’ambiance des fêtes qui ont agité les mairies et salles de bal des 14e et 18e arrondissements de Paris, et qui ont préparé l’invasion du zouk. Mauricrace nous invite donc à apprécier le tempo particulier de la kadans qui l’a précédé. La polyphonie et le souci de transmission du groupe-orchestre la Perfecta ont notamment laissé leur empreinte sur ce texte où les réminiscences sonores s’entrecroisent avec les souvenirs d’enfance.Nuances de vintageDan Dipiero traduit par Sophie Garnier La nostalgie est devenue un leitmotiv de la critique musicale, d’autant plus depuis les médiations de Simon Reynolds (avec Retromania) sur le crépuscule d’un certain modernisme populaire. Nous avons déjà publié une critique de ces réflexions (voir Audimat 5), qui cherchait à prendre de la distance avec l’analyse de la nostalgie comme symptôme d’une impuissance politique, pour nous inviter à mieux saisir la façon dont différents artistes font fonctionner la nostalgie de façon plus ou moins singulière. Reynolds lui-même a décrit comment le label Mordant Music travaillait la nostalgie de manière intéressante, tandis que Mark Fisher a écrit de belles pages sur les spectres qui hantent les morceaux de Burial. S’il n’est pas si étonnant de trouver des mises en forme passionnantes de la nostalgie dans les musiques électroniques, dans la mesure où elles entretiennent une relation particulière avec l’idée de futur, on peut se demander ce qu’il en est pour le rock indé, le grunge ou la pop, a priori beaucoup plus attachés à l’urgence et à l’intensité du présent. C’est ce que fait le musicologue américain Dan Dipiero, qui s’intéresse à la façon dont les années 1970, 1980 et 1990 s’incarnent toutes différemment dans la pop et le rock d’aujourd’hui. Il en profite pour poursuivre sa réflexion (voir Audimat 13) sur les effets esthétiques de l’expérience de la dette et la précarité dans laquelle elle entraîne une partie de la jeunesse américaine. À l’écoute de chouchous de la presse américaine comme Soccer Mommy ou beabadoobee, Dan Dipiero nous invite à faire la différence entre souvenirs et fantasmes, et nous révèle comment l’apparent consensus du revival années 1990 masque un conflit de génération majeur.
La couleur du cielJakuta AlikavazovicNovembre à Pékin, c’est le début des pics de consommation d’énergie, le moment où l’on relance les centrales à charbon. Le smog s’installe, pénètre les bronches et trouble la vision. Les indicateurs de pollution dépassent les seuils répertoriés par les applis de suivi de la qualité de l’air. Puis soudain, retour du ciel bleu. Ceux qui ont vécu cet épisode, appelé Blue Meeting, peinent à dire ce qui, de l’âpreté du smog ou de l’éclaircie programmée, les a le plus perturbés. Ils s’interrogent sur le sens à donner au phénomène. Et si le Blue Meeting était le présage d’un futur dans lequel la météo n’est plus vraiment une surprise, dans lequel nos discussions quotidiennes portent sur nos rapports de force avec l’atmosphère ? Il nous faudrait inventer une nouvelle langue pour parler du ciel. Nous aurions à pratiquer cette forme de dialectique à laquelle se livre Jakuta Alikavazovic — un principe incessant et délicat de reformulation, familier de son écriture. Ses chroniques et ses livres interrogent d’ailleurs de manière récurrente notre rapport au ciel ; le titre du dernier en date en témoigne : Comme un ciel en nous. Elle l’a écrit après avoir passé une nuit au Louvre, à réfléchir au monde qu’on lui avait transmis, à la manière d’y prendre place et, peut-être, de le modifier.De rouille et de teckJane Hutton traduit par Fanny Quément Soixante gigatonnes de matière sont déplacées chaque année par les humains à la surface de la planète. C’est huit fois plus qu’au début du XXe siècle. Siècle durant lequel l’usage, la gestion et l’approvisionnement des matériaux se sont considérablement ramifiés à mesure que le design s’est spécialisé. Dans Paysages Réciproques, l’ouvrage dont est extrait le texte que nous publions, Jane Hutton distingue cinq histoires sociales et environnementales qui, parmi les méandres de ces mouvements matériels, relient les aménagements de la ville de New York aux sites d’extraction invisibles dont proviennent l’acier, le granite, les platanes, les fertilisants et en l’occurrence les bois exotiques. Contrairement à ce qu’indique le titre Paysages Réciproques, Jane Hutton décrit des échanges inégaux entre les sites d’extraction et les sites de mise en œuvre. Elle montre le flou des chaînes d’approvisionnement des matériaux, le manque de prise des politiques environnementales, l’échelle déconcertante de l’économie de marché qui rend la ressource invisible. Le mot réciproque, écrit-elle, « n’est pas destiné à adoucir, dissimuler, ou suggérer l’équilibre. Au contraire, son usage intentionnel a valeur d’aspiration. Lorsqu’il est associé au “paysage”, il souligne les interdépendances inextricables que les humains partagent avec le monde plus qu’humain, que les consommateurs partagent avec les producteurs. » Paysages réciproques est avant tout un exercice de pensée qui conçoit ces matériaux qui parcourent le monde comme une matière changeante, en constante évolution. Une matière façonnée par l’autre et qui le façonne en retour. Paysages réciproques s’inscrit résolument, sans qu’il en soit jamais vraiment question, dans le courant des humanités environnementales. Sa portée théorique est tenue à distance, et considérée à partir de la matière, du terrain, du détail biologique, du fait politique. L’enquête de Jane Hutton, c’est ce qui fait sa force, est menée à l’échelle globale, mais toujours à hauteur d’œil.Destins plastiquesRanjan Ghosh traduit par Fanny Quément En 2012, la géologue Patricia Corcoran et la sculptrice Kelly Jazvac découvrent, sur la plage de Kamilo Beach à Hawaï, où l’océanographe Charles Moore dit avoir aperçu d’étranges conglomérats de plastique et de sable, 167 fragments de roches, de 2 à 22,5 cm de diamètre, présentant un mélange de basalte et de plastique fondu. Patricia Corcoran, Charles Moore et Kelly Jazvac insistent : ces roches, dénommées désormais plastiglomérats, sont des exemples d’une « action anthropique (la combustion) réagissant à un problème anthropique (la pollution plastique) ». Elles sont en effet les produits de feux de camp allumés sur la plage, et non, comme Charles Moore l’avait d’abord supposé, le résultat d’une interaction spontanée entre lave en fusion et polymères. Le texte de Ranjan Ghosh, paru initialement en février 2021 dans la revue Critical Inquiry, est lui-même un conglomérat, un montage de références et de signes composites. Il est en cela un pur produit de l’ère plastique, à l’image du plastiglomérat-roche et du plastiglomérat-œuvre transformé en ready-made par Kelly Jazvac. Si à la fois Ranjan Ghosh et Kelly Jazvac s’intéressent au plastiglomérat, c’est bien en effet parce qu’ils voient en cette roche l’incarnation d’une nouvelle Nature. Une nature qui n’existe pas en dehors de nous, ce qui reviendrait à continuer à nous penser séparés d’elle, mais une nature produite par nous, formée par nos représentations et actions. Ranjan Ghosh, penseur et professeur au Département d’Anglais de l’Université du nord du Bengale, nous rappelle ici que le monde-plastique que nous habitons est le même monde-plastique que nous fabriquons. Il se place ainsi dans une longue tradition de dévoilement et de déconstruction des récits dominants, dont l’Anthropocène est devenu le dernier exemple en date.La peau des mursCamille BlekerSe pencher sur l’architecture d’une maison est, par bien des aspects, une affaire d’omission ou de zoom sélectif. Bien entendu, l’architecture est le résultat d’une entente, d’un contrat, d’intentions et de compromis. Puis la maison devient, selon la formule de Gaston Bachelard, « le coffre de la mémoire ». Tout ceci, on peut s’autoriser à l’ignorer si l’on veut observer comment l’ensemble des situations qui la composent s’articulent les unes aux autres, au monde et à l’époque. Camille Bleker connaissait de vue la résidence familiale dont il est ici question et dont le nom de l’architecte est très connu. Elle l’avait aperçue sous une autre forme, après sa seconde transformation en 1991, sans savoir d’ailleurs qui en était l’architecte, sans notion étayée de son importance ni de son rôle dans l’histoire des formes. On sait à peu près ce que l’avènement de la starchitecture a produit de merveilles et de déconvenues au tournant du XXIe siècle. On comprend qu’il n’était pas inutile de l’oublier pour revenir à l’architecture de la maison. C’est donc moins attentive à la signature de l’architecte qu’à l’humeur de l’époque et à la matière même des espaces, qu’elle s’est replongée dans les photos de la maison et de ses distorsions.
Jungle, ambient jungle, techstep, speed garage, darkcore, grime, dubstep, funky… Depuis le début des années 1990, une série de styles musicaux s’est répandue du Royaume-Uni jusqu’aux dancefloors du monde entier. Ces musiques électroniques ont pris forme autour d’une passion pour la basse, les breakbeats, les sonorités issues du dancehall et le fracas des samples d’orchestre. Alimentées par les drogues (ecstasy, kétamine) et longtemps indissociables des radios pirates, elles composent ce que le critique britannique Simon Reynolds (Rétromania, Le choc du glam) a nommé le « continuum hardcore », pour mieux insister sur leur histoire commune. Dans ce livre, Reynolds revient sur ses propres expériences pour nous faire (re)découvrir une foule de maxis et de morceaux légendaires ou oubliés. Il revendique leur radicalité contre le mépris de classe, écoute les rapports féminin/masculin se transformer au cœur des infrabasses, et les réinscrit dans les trajectoires de la diaspora anglo-jamaïcaine et le multiculturalisme anglais. Avec son écriture à haute intensité, entre essai et reportage, cette anthologie inédite constitue un hommage sensible à l’énergie de la rave ainsi qu’un manifeste en prise sur l’innovation et la catharsis des dancefloors, à l’heure où les sonorités hardcore reviennent exorciser l’« anxiété généralisée » d’un capitalisme passé en mode turbo.280 pagesTraduction : Jean-François CaroRéalisation graphique : Charlie JaniautIllustration : Stephen Vuillemin

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